Tokujin Yoshioka ce designer japonais surprend et séduit par sa façon de jouer avec les frontières des matériaux.

Tokujin Yoshioka, Rainbow Church Experiment

Tokujin Yoshioka: La lumière comme matériau | Nouveautés

Tokujin Yoshioka, Rainbow Church Experiment

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Tokujin Yoshioka transcende les limites des matériaux. Certaines de ses pièces de mobilier flottent comme des nuages, d’autres sortent du four comme s’il s’agissait de miches de pain, et d’autres encore semblent se disperser dans l’air en fines particules. Nous nous sommes entretenus avec Tokujin Yoshioka au sujet de ses influences, comme le Japon et Henri Matisse.

La légèreté et la transparence jouent un rôle central dans votre travail. Pour quelle raison ?

Si la transparence me fascine, c’est parce qu’elle n’est jamais statique. Quand la lumière se pose sur des objets transparents, ces derniers commencent automatiquement à changer et à réagir à leur environnement. La lumière occupe une place importante dans mon travail. Je l’utilise presque comme une matière qu’il est possible de déformer et de manipuler.

Chaises illuminées par des OLEDs pour l'installation de LG, S.F._Senses of the Future, Milan's Superstudio Piú, 2017

Tokujin Yoshioka: La lumière comme matériau | Nouveautés

Chaises illuminées par des OLEDs pour l'installation de LG, S.F._Senses of the Future, Milan's Superstudio Piú, 2017

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En quoi les matériaux jouent-ils un rôle si important dans beaucoup de vos créations ?

Si le design est avant tout un processus mental, il n’en est pas moins puissamment influencé par les sensations, ce qui lui confère une dimension très personnelle. Lorsque je travaille sur un objet, l’esthétique passe avant tout le reste ; elle est le résultat de matériaux et de processus préalablement établis. On ne peut pas véritablement innover en ne travaillant que sur la forme des produits. À l’heure actuelle, presque toutes les pièces de mobilier se ressemblent parce qu’elles sont faites des mêmes matériaux. En tant que designers, nous devons réfléchir au moins autant aux matériaux qu’à la forme ou la fonction d’un objet. Déjouer les attentes, c’est passionnant.

Dans votre démarche, qu’est-ce qui est typiquement japonais ?

Peut-être la place que j’accorde à la nature, bien que je l’utilise souvent de façon abstraite. La vision japonaise de la nature se caractérise souvent par une perception différente de l’espace, qui implique de prendre conscience du monde environnant par l’intermédiaire des sens, via ce que l’on pourrait décrire comme des signes d’énergie ou d’aura. La cérémonie japonaise du thé renvoie à une démarche similaire visant elle aussi à apprécier la beauté intrinsèque de la nature à travers les sens.

La maison de thé en verre KOU-AN sur la terrasse du temple Seiryuden qui surplombe Kyoto. La KOU-AN va bientôt voyager à l'intérieur du Japon et à l'international

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La maison de thé en verre KOU-AN sur la terrasse du temple Seiryuden qui surplombe Kyoto. La KOU-AN va bientôt voyager à l'intérieur du Japon et à l'international

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Pour le temple Shōren-in situé près de Kyoto, vous avez dessiné le salon de thé en verre KOU-AN, qui sera bientôt exposé à l’étranger. Qu’est-ce qui le distingue des maisons de thé traditionnelles ?

Le salon de thé KOU-AN n’est pas décoré de parchemins ni de fleurs, comme le sont toutes les maisons de thé, mais son sol scintille comme une onde à la surface de l’eau. À une certaine heure de l’après-midi, le soleil entre par un prisme en verre situé sur le toit et forme une sorte de fleur lumineuse. L’expérience sensorielle de la transformation de la lumière permet de percevoir et de matérialiser le temps qui passe.

Vous avez également intégré des prismes dans beaucoup de vos projets, comme les expositions Spectrum et Rainbow Church. Pourquoi la réfraction de la lumière vous intéresse autant ?

J’avais à peine vingt ans quand j’ai visité la Chapelle du Rosaire de Vence, près de Nice, qui est l’œuvre d’Henri Matisse. Son enceinte était entièrement baignée de merveilleuses et éclatantes couleurs produites par l’irruption des rayons du soleil. C’est à ce moment qu’est née ma volonté de créer un bâtiment qui permettrait de vivre une expérience aussi intense de la lumière et de voir vaciller en permanence des myriades d’arcs-en-ciel sur le sol, en fonction de la position du soleil. Pour l’exposition Rainbow Church, j’ai conçu une fenêtre de neuf mètres de haut ornée de cinq cents prismes verticaux ; c’était mon premier pas vers l’architecture. Le moment n’est pas encore venu, mais j’aimerais concevoir un bâtiment entier sur ce modèle, et pourquoi pas une église.

"Prism" objet en cristal réalisé chez Baccarat pour Dom Pérignon, 2017 (supérieur). "PRISM partition" pour Glas Italia, 2016 (dessous)

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"Prism" objet en cristal réalisé chez Baccarat pour Dom Pérignon, 2017 (supérieur). "PRISM partition" pour Glas Italia, 2016 (dessous)

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Interview de Norman Kietzmann

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