Infuser, cuire, cristalliser. Ces verbes ne décrivent pas le travail d’un cuisinier mais du designer japo- nais Tokujin Yoshioka, auquel le musée d’art contem- porain de Tokyo vient de consacrer une fabuleuse exposition pour révéler la portée créative de ses expérimentations.

Rose, rose fraîche nichée dans son écrin de cristaux. 2013

Tokujin Yoshioka cristallise les rêves | Nouveautés

Rose, rose fraîche nichée dans son écrin de cristaux. 2013

×

Sous des dehors poétiques, les œuvres de Tokujin Yoshioka procèdent de la même philosophie : la métamorphose des matières. Avant tout, Yoshioka est un observateur, à la mode des anciens qui étudiaient le mouvement des planètes. C’est ainsi qu’il conçut son premier fauteuil Honey Pop pour Driade, en s’inspirant des ruches avec son matériau de papier en nid d’abeille dépliable. S’il revendique comme modèle la nature, il utilise de façon empirique les sciences physiques et chimiques.

Tokujin Yoshioka

Tokujin Yoshioka cristallise les rêves | Nouveautés

Tokujin Yoshioka

×

PANE chair (2006), Tokujin Yoshioka x Lexus L-finesse, exposition «Evolving Fiber Technology», 2006

Tokujin Yoshioka cristallise les rêves | Nouveautés

PANE chair (2006), Tokujin Yoshioka x Lexus L-finesse, exposition «Evolving Fiber Technology», 2006

×

Nous l’avions rencontré pour la première fois en 2006, six ans après s’être émancipé de ses maîtres successifs, Kuramata puis Issey Miyake, pour fonder son propre studio. À Milan, sa scénographie pour le constructeur automobile Lexus avait fasciné les visiteurs avec ses 700 000 fibres optiques encadrant la berline d’un blanc mat comme un voile iridescent. Installé dans sa Pane Chair, le trentenaire japonais non encore ultra médiatisé, avait posément décrit le procédé inventé pour réaliser son siège.

« Il est conçu à partir d’une masse de mousse synthétique humidifiée, mise à lever dans un linge puis chauffée, et enfin formée à la vapeur dans un moule de bois selon une technique dérivée du bois courbé cher à Thonet. » Ou de la cuisson du pain des boulangers… D’où son nom. « Je veux surprendre les autres mais surtout moi-même. Enfant, j’étais particulièrement silencieux, mais certainement pas inactif. Je démontais tous les objets de la maison, pour en comprendre le fonctionnement puis les utiliser à d’autres fins. Ma première source de fascination était les insectes, que j’observais inlassablement. »

Swan Lake, 2013 & Crystallised Painting Process, 2013

Tokujin Yoshioka cristallise les rêves | Nouveautés

Swan Lake, 2013 & Crystallised Painting Process, 2013

×

Crystallisation

Sept années sont passées depuis, ponctuées de créations acquises par le MoMA et le le Cooper Hewitt de New York, le Centre Pompidou de Paris ou le Victoria and Albert Museum de Londres. Il a créé du mobilier singulier pour Moroso, Driade, Kartell, Cassina ou Swarovski, collaboré avec Cartier, Hermès, Toyota et reçut le prix du designer de l’année à Miami en 2007, à Tokyo en 2010, en Allemagne en 2011 et l’année dernière au Salon Maison & Objets de Paris. Newsweek vient de l’élire parmi les 100 personnalités japonaises les plus respectées dans le monde.

REALITY LAB. pour Issey Miyake, 2013; photos Masaya Yoshimura

Tokujin Yoshioka cristallise les rêves | Nouveautés

REALITY LAB. pour Issey Miyake, 2013; photos Masaya Yoshimura

×

Tokujin ne parle plus de la technique qui préside à la réalisation de ses œuvres. Il est passé au stade du conceptuel, même si les sciences sourdent toujours dans chacune de ses créations. Le musée d’Art Contemporain de Tokyo lui a récemment ouvert ses portes pour une exposition à couper le souffle, basée sur la cristallisation. Un travail initié dès 2007. Tokujin Yoshioka cultive littéralement dans un réservoir d’eau des cristaux naturels qui se développent autour de structures.

Ainsi de sa chaise Vénus, d’une simple rose ou de tableaux peints qui se recouvrent lentement de cristal. Pour ces derniers, le designer-artiste a diffusé durant la métamorphose la musique du Lac des Cygnes de Tchaïkovski, dont les vibrations influencent la forme que prennent les cristaux naturels. Au final, les structures devenues invisibles laissent place à l’énergie matérialisée de la nature. La vie toujours plus étonnante, la vie qui a beaucoup plus d’imagination que nous… Quoi que. Pas plus que Tokujin Yoshioka.

Produits liés