L’exposition MOBILIA, qui a lieu à l’Atomium à Bruxelles du 12 février au 15 juin 2014, met en évidence le talent des architectes qui, depuis la fin du XIXe siècle et à travers le monde, ne se contentent plus de construire des édifices mais réalisent également du mobilier et des objets. La Belgique n’y fait pas défaut. Certains mouvements emblématiques de l’architecture moderniste ont été entre autres initiés par les Belges Victor Bourgeois et Huib Hoste aux côtés de Le Corbusier. Ces derniers ont particulièrement été actifs lors du premier Congrès International d’Architecture Moderne (CIAM) en 1928. Pourtant cette histoire reste relativement peu connue du grand public.

Paul & Hilde Robbrecht avec leur fils Johannes / Robbrecht & Daem, Ligeti, banc avec motif qui n’st pas peint mais est en contreplaqué de différentes essences de bois, une création pour le Concertgebouw de Bruges, 2002; photo: Kristien Daem

MOBILIA: 100 ans de design d’architectes belges à l’Atomium | Nouveautés

Paul & Hilde Robbrecht avec leur fils Johannes / Robbrecht & Daem, Ligeti, banc avec motif qui n’st pas peint mais est en contreplaqué de différentes essences de bois, une création pour le Concertgebouw de Bruges, 2002; photo: Kristien Daem

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L’exposition MOBILIA, à travers le parcours de trente architectes belges sur un siècle, souligne le lien entre architecture, aménagement intérieur et mobilier. Depuis 1900, les architectes optant pour une approche créative totale se sont multipliés. Ils ont réalisé des projets originaux et exclusifs dessinant de la façade aux poignées de porte. MOBILIA est donc l’occasion de faire le point sur cette tradition et la manière dont elle se décline encore aujourd’hui.

Stéphane Lebrun, table réalisée à partir d’une feuille en inox brossé découpée et pliée, créée pour le restaurant du MAC’s - Musée d’Art contemporain, Grand-Hornu (BE); photo: Kyo-co, Stéphane Lebrun

MOBILIA: 100 ans de design d’architectes belges à l’Atomium | Nouveautés

Stéphane Lebrun, table réalisée à partir d’une feuille en inox brossé découpée et pliée, créée pour le restaurant du MAC’s - Musée d’Art contemporain, Grand-Hornu (BE); photo: Kyo-co, Stéphane Lebrun

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Aalto … Aulenti ... Ban ... Chipperfield ... Eames ... Eiermann ... Foster... Frank ... Gaudi... Gehry ... Graves ... Hadid ... Hoffmann ... Holl ... Ishigami ... Jacobsen ... Koolhaas … Le Corbusier-Jeanneret-Perriand ... Liebeskind ... Mackintosh ... Mallet-Stevens ... Mangiarotti ... Niemeyer ... Nouvel ... Pawson ... Piano ... Ponti ... Rietveld ... Saarinen ... Scarpa ... Siza... van der Rohe ... Wright ... Zumthor ... Wilmotte …

B-architecten, Claire Bataille & Paul ibens, Stéphane Beel & Lieven Achtergael, Alain Berteau, Victor Bourgeois, Renaat Braem, Constantin Brodzki, Sébastien Cruyt & Olivier Bastin, Louis-Herman De Koninck, Julien De Smedt, De Vylder Vinck Taillieu, Lucien Engels, Victor Horta, Huib Hoste, Lou Jansen, Lucien Kroll, Juliaan Lampens, Stéphane Lebrun, Bart Lens, Lhoas & Lhoas, Antoine Pompe, Robbrecht & Daem, Gustave Serrurier-Bovy, Glenn Sestig, Léon Stynen, Willy Van Der Meeren, Vincent Van Duysen, bOb Van Reeth, Charles Vandenhove, Caroline Voet

Pablo & Pierre Lhoas, Lhoas & Lhoas, tabouret, chaise et table Bambi, créés pour le cafétéria du centre d’art contemporain le Wiels à Bruxelles, actuellement distribué par Z-creations; photo: Bernard Baines

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Pablo & Pierre Lhoas, Lhoas & Lhoas, tabouret, chaise et table Bambi, créés pour le cafétéria du centre d’art contemporain le Wiels à Bruxelles, actuellement distribué par Z-creations; photo: Bernard Baines

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Claire Bataille & Paul ibens, détail du banc édité par Bulo, pouvant être utilisé à l’intérieur comme à l’extérieur. Il est fait de bois massif ou de MDF laqué, relié par un profil métallique en ‘T’; photo ibens & Bataille

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Claire Bataille & Paul ibens, détail du banc édité par Bulo, pouvant être utilisé à l’intérieur comme à l’extérieur. Il est fait de bois massif ou de MDF laqué, relié par un profil métallique en ‘T’; photo ibens & Bataille

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Un siècle d’archives et de projets de design

L’exposition présente une série de meubles et d’objets de ces architectes belges. Chacun des éléments de mobilier présentés illustre la manière dont chaque architecte traduit son style, ses préoccupations et sa philosophie dans le mobilier qu’il conçoit. Si l’exposition couvre une période qui s’étend de l’Art nouveau à aujourd’hui, les pièces ne sont pas pour autant montrées dans un ordre chronologique. Les créations, qui vont de prototypes aux produits de série, sont réunies autour de différents thèmes.

A chair is a very difficult object. A skyscraper is almost easier, Ludwig Mies van der Rohe

Regarder les œuvres différemment, découvrir comment le meuble est construit, comprendre le lien avec le lieu auquel il est destiné et apprécier sa fonction font partie des enjeux du scénographe. Une telle approche permet d’appréhender la démarche contemporaine. Si les architectes d’aujourd’hui créent des meubles et objets comme leurs prédécesseurs, ceux-ci ne sont pas pour autant en lien direct avec la création d’un bâtiment.

Antoine Pompe, folding chair designed around 1945 when he was 70yrs old; photo: AAM Archives d’Architecture Moderne, Brussels

MOBILIA: 100 ans de design d’architectes belges à l’Atomium | Nouveautés

Antoine Pompe, folding chair designed around 1945 when he was 70yrs old; photo: AAM Archives d’Architecture Moderne, Brussels

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JIJ’S / De Vylder Vinck Taillieu & Serge Vandenhove, Ode PDB (hommage à Pieter De Bruyne) for Proofflab, étagère cloison présentée au Salone del Mobile, 2013; photo: Filip Dujardin

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JIJ’S / De Vylder Vinck Taillieu & Serge Vandenhove, Ode PDB (hommage à Pieter De Bruyne) for Proofflab, étagère cloison présentée au Salone del Mobile, 2013; photo: Filip Dujardin

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L’envers est aussi important que l’endroit, Jules Wabbes

The details are not the details. They make the design, Charles Eames

Quelle que soit la chose que nous construisons, la manière de construire est aussi importante que le résultat final. Créer un meuble ou un édifice, n’est pas seulement un choix technique, c’est aussi une démarche esthétique. Dans le meuble comme en construction, toutes méthodes d’assemblage peuvent devenir un élément décoratif à part entière. Un architecte peut vouloir masquer derrière des cloisons ou des plafonds la structure de métal ou de béton d’un bâtiment, ou au contraire assumer le matériau brut et le mode constructif en toute transparence.

Dans les années 1920, sous l’influence du courant artistique néerlandais De Stijl, les architectes modernistes comme Huib Hoste ont préféré mettre en évidence dans leur mobilier l’ossature de construction marquant ainsi fortement les plans verticaux et horizontaux de leur meuble. Pour l’architecte contemporain, la structure est de plus en plus souvent considérée comme faisant partie intégrante de l’objet et, par conséquent, incorporée, voire soulignée. Cette volonté se traduit par la mise en évidence d’un mode de fabrication simple et visible (Lhoas & Lhoas). On constate également que l’évolution technique permet une méthode de construction plus sophistiquée bien qu’apparente (Bataille & ibens et Stéphane Lebrun).

B-architecten/Evert Crols, Dirk Engelen, Sven Grooten, de.le.the.5 pour Muntpunt, bibliothèque ‘à vivre’ réalisée en panneaux de multiplex revêtus d’un stratifié HPL; photo: Stany Dederen

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B-architecten/Evert Crols, Dirk Engelen, Sven Grooten, de.le.the.5 pour Muntpunt, bibliothèque ‘à vivre’ réalisée en panneaux de multiplex revêtus d’un stratifié HPL; photo: Stany Dederen

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Au cours du XXe siècle, beaucoup d’architectes ont cherché à bâtir un monde meilleur, avec la volonté louable de vouloir améliorer le cadre de vie du plus grand nombre, par le biais de l’architecture et de l’urbanisme. Ce fut le cas aussi pour le mobilier. En essayant d’imaginer ce que les classes populaires désiraient, les architectes ont donné une réponse qu’ils pensaient adaptée à l’attente des ses derniers. Toutefois, cette transposition intellectuelle d’une idée du besoin de l’autre a été dans la plus part des cas un échec (Willy Van Der Meeren).

Dans le même ordre d’idées, la réalisation de grands ensembles architecturaux, d’aménagements urbains et de lieux publics en est un autre exemple. L’aménagement intérieur permet à l’architecte de réaliser un mobilier adapté à un lieu ou à un extérieur. Cette démarche permet au grand public de se familiariser avec le design. (Lucien Engels, Lhoas & Lhoas) Il est a contrario, en marge de cette aspiration à du design pour tous, des créations comme celles de JIJ’s (une collaboration des architectes De Vylder Vinck Taillieu et Serge Vandenhove) qui se situent à la frontière qui voudrait distinguer le design et l’art. Nous sommes à l’opposé de la production de masse, ces meubles sont disponibles de façon limitée dans les galeries d’art.

Renaat Braem, mobiliers biomorphiques destinés à l’aménagement du showroom Haentjens, début des années 1950; photo: Onroerend Erfgoed – foto BRF_090_002 A. De Belder

MOBILIA: 100 ans de design d’architectes belges à l’Atomium | Nouveautés

Renaat Braem, mobiliers biomorphiques destinés à l’aménagement du showroom Haentjens, début des années 1950; photo: Onroerend Erfgoed – foto BRF_090_002 A. De Belder

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Juliaan Lampens, tabourets et table imaginés pour l’intérieur de sa propre maison, 1960. Le tabouret peut être transformé en un petit rangement lorsqu’on le place sur l’angle coupé; photo: Diane Hendrikx

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Juliaan Lampens, tabourets et table imaginés pour l’intérieur de sa propre maison, 1960. Le tabouret peut être transformé en un petit rangement lorsqu’on le place sur l’angle coupé; photo: Diane Hendrikx

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Qui n’a pas besoin de temps à autre de chaises supplémentaires ou d’une plus grande table, pour accueillir des invités? Mais la place pour les ranger, elle, fait souvent défaut. Cette problématique a rapidement préoccupé architectes et designers. Les tables rabattables, les chaises pliantes comme celle d’Antoine Pompe ou empilables représentent une solution classique à ce problème domestique.

Cette réflexion pragmatique autour de la flexibilité a cependant ouvert le champ des possibilités en terme de créativité donnant naissance aux tables modulaires de Willy Van Der Meeren ou aux meubles en polyuréthane de Cruyt & Bastin qui s’assemblent à la façon d’un puzzle tangram. Cette flexibilité, le mobilier des B-architecten au Muntpunt l’illustre assez bien. Ainsi, les formes géométriques comme le pentagone ou l’hexagone permettent aux utilisateurs de créer selon leur imagination des ensembles ouverts ou fermés en s’adaptant aux exigences des espaces collectifs.

Vincent Van Duysen, Pottery pour When Objects Work, 2004; photo: Alberto Piovano

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Vincent Van Duysen, Pottery pour When Objects Work, 2004; photo: Alberto Piovano

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Always design a thing by considering it in its next larger context – a chair in a room, a room in a house, a house in an environment, an environment in a city plan, Eliel Saarinen

Le sur mesure, le projet global est le fantasme de tout créateur. Lorsqu’il lui est confié la réalisation extérieure et l’aménagement intérieur, l’architecte peut ainsi développer dès l’origine du projet une approche totale, harmonieuse et cohérente. Chaque pièce est pensée avec sa fonction et son aménagement propre. La circulation, l’encombrement, rien n’est laissé au hasard. Les matériaux, les formes et les couleurs s’accordent dans tout l’espace (Renaat Braem), de sorte que design et architecture se confondent dans un même ensemble. Par exemple, dans le projet du Concertgebouw à Bruges (Robbrecht & Daem), les architectes Robbrecht & Daem, les meubles, le revêtement des murs et même les façades du bâtiment, par le biais de la chromatique ou du motif, dialoguent les uns avec les autres.

A thing of beauty is a joy for ever, John Keats

Un architecte traduit une certaine vision du monde. Il propose sa lecture de la relation entre l’homme et son espace de vie. Si pour certains, l’insertion dans le monde du design ne se fait par la réalisation ponctuelle d’une pièce de mobilier ou d’un objet, il en est d’autres qui conçoivent et créent en tant qu’architecte et designer à part entière. Il est même devenu courant aujourd’hui que des architectes se consacrent presque exclusivement au design. Au point que de grands noms de l’architecture internationale sont aujourd‘hui assimilés plus à des créateurs de mobilier qu’à des architectes. Il est assez révélateur de parler par exemple de la chaise de Breuer ou de la chaise longue du Corbusier que tout le monde pourra reconnaître et nommer alors qu’il n’en va pas de même pour leurs réalisations architecturales.

Le design offre aux architectes la possibilité de travailler à une échelle plus réduite et plus humaine. Il leur permet d’expérimenter d’autres matériaux et d’autres techniques (la céramique chez Vincent Van Duysen pour When Objects Work). Cette tendance encourage les échanges entre différentes disciplines professionnelles et les créations sans destination spécifiques sont éditées pour le grand public.

Julien De Smedt, Chrushed bowls pour Muuto, 2007. Composés de triangles équilatéraux, leur forme est basée sur les principes utilisés pour la modélisation informatique à grande échelle; photo: Muuto / dessin : Julien De Smedt Architects

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Julien De Smedt, Chrushed bowls pour Muuto, 2007. Composés de triangles équilatéraux, leur forme est basée sur les principes utilisés pour la modélisation informatique à grande échelle; photo: Muuto / dessin : Julien De Smedt Architects

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If you want a golden rule that will fit everybody, this is it: have nothing in your houses that you do not know to be useful, or believe to be beautiful. William Morris

MOBILIA a pour ambition de mettre en exergue la diversité du travail d’architectes belges. Bien que l’approche ne soit pas exhaustive, elle aura richement illustré le lien étroit entre mobilier et architecture. À travers le prisme d’un architecte, d’une pièce de mobilier et d’une photographie, l’exposition à l’Atomium – idéal cadre de vie pour ce design d’architectes – est le miroir de l’évolution sur un siècle de ce rapport subtil qui voit apparaître aujourd’hui l’émergence de l’architecte designer.