Les Arts décoratifs, the Paris-based applied arts organisation, preserves the art of French living while keeping time with contemporary creation and craft.

Martin Szekely, MAP-TTR 01, aluminium anodisé, 2013; l'une des dernières acquisitions du Cercle Design 20/21. Photo: Fabrice Gousset

Les Arts décoratifs de Paris: Cosmopolitan French Taste | Nouveautés

Martin Szekely, MAP-TTR 01, aluminium anodisé, 2013; l'une des dernières acquisitions du Cercle Design 20/21. Photo: Fabrice Gousset

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Si Paris s’inscrit dans le paysage des arts appliqués, dès les années 1860, contrebalançant et devançant rapidement le goût anglais, Les Arts décoratifs évoluent aujourd’hui en phase avec les attentes du public et des jeunes professionnels du secteur (designers, artisans, architectes d’intérieur…). Leur défi majeur reste à la fois l’éducation et la transmission mais aussi la revendication légitime d’un ‘goût français’ qui sera mis ici en perspective. Rencontre animée aux Arts décoratifs de Paris avec son directeur général, David Caméo et son directeur des musées, Olivier Gabet, sous les toits de l’institution, sise rue de Rivoli face au jardin des Tuileries.

La collection Design

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TLmag : Comment définissez-vous à l’heure actuelle le musée des Arts décoratifs de Paris ?

David Caméo : Les Arts décoratifs forment une institution riche et complexe qui comprend le musée des Arts décoratifs rue de Rivoli, le musée Camondo rue Monceau, les Ateliers du Carrousel axés sur la pratique artistique amateur pour adultes et enfants (1600 inscrits) et l’école Camondo spécialisée dans l’architecture d’intérieur et le design (330 étudiants sur cinq années d’études jusqu’au Master).
Cette juxtaposition d’entités à la fois patrimoniales et éducatives, musées et écoles, révèle un mode de fonctionnement tout à fait singulier. À l’origine, c’est la sphère privée (banquiers, industriels, collectionneurs et amateurs d’art), et non les pouvoirs publics, qui a eu l’initiative de cette institution qui avait pour but de révéler au monde la modernité et l’art de vivre français et d’en transmettre les savoir-faire et les productions, mais aussi de former le regard, d’inspirer et de renforcer les aspirations des professionnels. C’est ainsi qu’est née l’école Camondo que dirige aujourd’hui René-Jacques Mayer avec qui j’ai œuvré pendant des années au sein de Cité de la Céramique de Sèvres. L’école Camondo a eu pour objectif, dès sa création, de promouvoir l’excellence française dans le domaine des arts appliqués et de la décoration intérieure. Aujourd’hui, nous avons toujours le même souci de transmettre le patrimoine tout en vivant au rythme de la création contemporaine dans les champs qui sont les nôtres : le craft, la mode, le design, les arts graphiques, etc.

Vues de l'exposition "L'Espirit du Bauhaus", 2016. © Musée des Arts décoratifs, Paris, photo: Photo: Luc Boegly

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Vues de l'exposition "L'Espirit du Bauhaus", 2016. © Musée des Arts décoratifs, Paris, photo: Photo: Luc Boegly

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TLmag : Tentons de camper le décor du musée des Arts décoratifs de Paris dans son contexte historique, celui des Expositions internationales et universelles, avec Londres en 1851 et 1862, Paris en 1855, 1867, 1889, 1900 et 1925, Vienne en 1873, Bruxelles en 1910 et Gand en 1913, sans oublier Turin en 1911. Quelle est la place de votre institution par rapport à l’éclosion des autres musées d’arts décoratifs en Europe depuis le milieu du XIXe siècle ?

Olivier Gabet : On peut avancer plusieurs dates pour la création du musée des Arts décoratifs. Pour moi, la pierre fondatrice remonte à 1864, quand l’association est mise en place, même si mais c’est bien souvent son ouverture rue de Rivoli qui fait date : 1905. Nous sommes nés de l’effervescence et de l’émulation des nations européennes autour de l’idée des arts industriels. En 1851, la Grande-Bretagne marque les esprits comme force première dans la création d’objets et ce rapport entre art et industrie. La France réagit immédiatement : le rapport de Léon de Laborde sur cette Exposition universelle de Londres fédère les énergies des designers, industriels et manufacturiers pour valoriser la créativité française, sa virtuosité et l’excellence de ses produits. L’idée d’un musée des Arts décoratifs à Paris naît de ce contexte et sous leur impulsion : dès 1865, le musée présente leurs innovations et leurs créations à l’occasion d’expositions temporaires, sur des thèmes ou des techniques. Dès cette époque, le musée assure le renouvellement du goût et des styles en propageant l’influence des arts appliqués venus du Proche et de l’Extrême-Orient, imaginant de nouvelles sources d’inspiration, des nouveaux répertoires chromatiques ou ornementaux, dans le textile ou la céramique, à l’instar du V&A à Londres, du MAK de Vienne ou du musée du Cinquantenaire à Bruxelles.

TLmag : Comment percevez-vous la position de Bruxelles par rapport à Paris dans l’éclosion des industries d’art ? Je pense ici à la grande rétrospective Paris-Bruxelles qui eut lieu au musée d’Orsay en 1997 et qui soulignait les grands mouvements artistiques de la fin du XIXe et au tournant du XXe siècle ?

O.G. : La scène artistique bruxelloise a été, je pense, à cette période de l’histoire, un vrai laboratoire artistique, mais aussi une soupape de la création française, en ce qu’elle était plus libre. De ce point de vue, Henry Van de Velde est une figure emblématique et attachante qui en témoigne totalement par sa pensée comme dans son œuvre, cultivant une nouvelle approche de la production et l’idée du foyer comme le terreau de l’homme nouveau, à la suite de William Morris. Cette liberté artistique qu’il exprime avec tant d’autres artistes, au sein de la Libre Esthétique, puis à l’école de Weimar – aux origines du Bauhaus –, est à la fois source d’utopie et de progrès. Je m’étonne qu’à Bruxelles on ne ressente pas toujours cet héritage si vibrant et si foisonnant pourtant, quand on en visite musées et institutions patrimoniales. Éclectique et hybride, Bruxelles mérite de tenir une place aussi légitime dans l’histoire des arts décoratifs que Paris, Londres ou Vienne.

Top: Jean Nouvel. Courtesy of Gagosian Gallery. Middle: Jean Nouvel, Bespoke. © Photo: Guy Lucas de Peslouan. Bottom: ean Nouvel, "Miroir D", noyer et miroirs colorés, dimensions variables, éd. de 6, Gagosian Gallery. Courtesy of Gagosian Gallery.

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Top: Jean Nouvel. Courtesy of Gagosian Gallery. Middle: Jean Nouvel, Bespoke. © Photo: Guy Lucas de Peslouan. Bottom: ean Nouvel, "Miroir D", noyer et miroirs colorés, dimensions variables, éd. de 6, Gagosian Gallery. Courtesy of Gagosian Gallery.

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TLmag : Abordons les métiers et pratiques dans le domaine des arts décoratifs qui se sont rassemblés pour faire corps autour de ce que l’on peut baptiser ‘le goût français’ ? Quelle est votre vision de cette tendance qui ne fait que se renforcer, malgré l’étendue du marché global ?

D.C. : Aujourd’hui, nous voyons, avec le Comité Colbert, la Fondation Bettencourt avec son prix l’Intelligence de la Main ou le Mobilier National – pour n’en citer que quelques-unes –, que toutes ces institutions se rattachent à cette identité du patrimoine artistique français, à ses savoir-faire, ses métiers d’art afin de les protéger, de les sauvegarder et de les transmettre. Cette identité est intrinsèque aux arts décoratifs français et elle est même très souvent employée dans la communication par les grandes maisons de luxe qui s’exportent à l’international. Elle s’exprime aussi dans une vive et forte prise de conscience patrimoniale de ces maisons à l’égard de leur histoire et de leur héritage. Aux Arts décoratifs, notre rôle est d’y contribuer par la diffusion de nos collections, par les expositions, les publications qui témoignent de cette longue histoire, et par nos écoles qui transmettent ce patrimoine et ces savoir-faire. Notre objectif est à la fois muséal et éducatif.

O.G. : L’enjeu de notre musée est singulier : les arts décoratifs sont souvent considérés comme une idée très française, notre musée est né de l’impulsion donnée par ces dynasties d’artisans et d’industries d’art, ancêtres des maisons de luxe actuelles. Ce sujet imprègne intimement l’identité française, voyez l’influence du goût français depuis le XIXe siècle en Europe et dans le monde, la place majeure de nos architectes et décorateurs, et dorénavant le rayonnement de toute une jeune génération de designers ou de graphistes. Et de ce point de vue, en ventes publiques comme dans sur le second marché, Paris est devenue la capitale des arts décoratifs et du design, sans parler même de la mode.

Vues de l'exposition "Roger Tallon, le designer en mouvement", 2016. © Musée des Arts decoratifs, Paris. Photo: Luc Boegly

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Vues de l'exposition "Roger Tallon, le designer en mouvement", 2016. © Musée des Arts decoratifs, Paris. Photo: Luc Boegly

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TLmag : Comment se sont constituées les collections du musée des Arts décoratifs ?

D.C. : Notre institution est une association loi de 1901, avec un budget annuel de 31 millions d’euros, dont 15 millions sont versés par l’État dans la mesure où nous sommes en charge de collections nationales. Les 50% restant proviennent de nos ressources propres, billetterie des entrées au musée, recettes de l’école, du revenu de concessions et location d’espaces, et d’un effort conséquent sur les partenariats et le mécénat, ce dernier représentant 5 millions d’euros, ce qui est remarquable pour une telle entité. Dans la convention avec l’État, aucun crédit public n’est alloué aux acquisitions ou aux expositions temporaires, ce qui signifie que l’équipe des Arts décoratifs doit déployer sans cesse des miracles d’imagination pour rassembler les fonds nécessaires. Grâce aux dispositifs fiscaux, mais aussi avec la mise en place d’un Club des Partenaires, le réseau des Amis des Arts décoratifs, la générosité de nos ‘Friends’ aux États-Unis, la création du Cercle Design 20/21 , nous avons pu allier les efforts pour que des pièces importantes soient achetées pour enrichir les collections constituées au fil du temps.

O.G. : Malgré son manque évident de fonds, le musée reste prescripteur et initiateur : nos acquisitions sont reconnues pour leur justesse et leur légitimité, les dons qui nous sont généreusement consentis sont eux aussi valorisés : exposés dans nos salles, publiés, sujets d’expositions en soi. Les collectionneurs, les designers, leurs familles le savent, tout comme ils apprécient les liens que les conservateurs et le musée tissent avec eux jour après jour. C’est ainsi que nous avons reçu en 2008 la donation des archives de Roger Tallon, ensuite enrichies par la famille, pour donner lieu à cette vaste rétrospective qui se tient actuellement. Les marchands spécialisés nous soutiennent aussi par des dons réguliers, la galerie Kreo et tant d’autres. Un marchand comme François Laffanour fait partie de notre conseil d’administration : sans interférer dans l’orientation générale du musée, son regard nous est précieux, connaissant parfaitement le monde des collectionneurs et les évolutions des intérêts pour le design historique et contemporain. Notre pluridisciplinarité d’approche qui fait dialoguer ‘craft’ et graphisme, design et mode, bientôt incarnée dans un nouvel accrochage des galeries contemporaines du musée, suscite l’amitié de maints créateurs, Pierre Hardy vient d’offrir ainsi un florilège de ses créations sur ces quinze dernières années. Cet éclectisme est à l’image de notre musée.

Muller Van Severen, "Installation S", 2012, cuir, laiton, propylène, acquisition Cercle Design 20/21, 2016. © Musée des Arts décoratifs, Paris. Photo: Jean Tholance

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Muller Van Severen, "Installation S", 2012, cuir, laiton, propylène, acquisition Cercle Design 20/21, 2016. © Musée des Arts décoratifs, Paris. Photo: Jean Tholance

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TLmag : Quelle est la synergie entre le musée et l’école Camondo? Et par extension, est-ce l’une des raisons qui vous a amené à penser le concept « L’Esprit du Bauhaus » qui a ouvert ses portes en octobre dernier ?

D.C. : Mon souhait est de tisser des liens plus forts et plus réguliers entre le musée et l’école – le musée peut être un formidable laboratoire pour les étudiants de Camondo. Nous avons ainsi initié des projets d’étude dans leur cursus liés à des problématiques du musée : il y a le projet de faire aménager le hall d’accueil du 107 rue de Rivoli par les étudiants en 3e année ; Olivier Gabet y donne aussi des cours afin de remettre le musée en perspective et que les étudiants s’en saisissent comme une chance rare.

O.G. : L’exposition « L’Esprit du Bauhaus » se penche en effet sur l’école et sur les utopies décoratives des XIXe et XXe siècles. L’idée est d’y rappeler que le Bauhaus n’est pas un style ni un mouvement mais une école : le visiteur y évolue comme dans les différents ateliers qui la constituaient – une exposition où l’idée de pédagogie et de transmission est centrale. La conclusion contemporaine sous la direction artistique de Mathieu Mercier permet d’aborder les sources d’inspiration du Bauhaus et son impact sur la création actuelle, notamment chez des designers comme Pierre Charpin ou Muller Van Severen... Cet esprit de ‘Gesamtkunstwerk’ (œuvre d’art totale), que Tallon résume en une phrase ‘Tout procède de l’art’ (mettre en exergue) nous porte à penser que sans transmission, donc sans l’idée d’école, le musée n’existerait pas ; sans pratique, il n’y aurait pas de chef-d’œuvre ou de quête d’excellence ; sans échange, il n’y aurait pas de goût, ni de style.

Left: David Caméo. © Photo: Capucine Réquillart. Right: Olivier Gabet. © Photo: Chaeyoung Hwang.

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Left: David Caméo. © Photo: Capucine Réquillart. Right: Olivier Gabet. © Photo: Chaeyoung Hwang.

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Text: Lise Coirier

Jusqu’au 7 janvier 2017 : « Roger Tallon, le design en mouvement » (commissaire : Dominique Forest, conservatrice département XXe et Françoise Jollant)

Jusqu’au 15 janvier 2017 : « Les Services Buffon » au musée Nissim de Camondo (commissaire : Sylvie Legrand-Rossi)

Jusqu’au 26 février 2017 : « L’Esprit du Bauhaus » (commissaires : Olivier Gabet & Anne Monier, conservatrice du départment Jouets)

Jusqu’au 12 février 2017 : « Jean Nouvel, mes meubles d’architecte » (commissaires : Olivier Gabet & Karine Lacquemant)

Jusqu’au 23 avril 2017 : « Tenue correcte exigée, quand le vêtement fait scandale » (commissaires : Denis Bruna)

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