Contexte et historique du projet

L’histoire de l’orphelinat Falatow Jigiyaso est intimement liée à celle de sa fondatrice Fatoumata Goundourou qui, en 1978 recueillit un orphelin dans sa maison du quartier de Kalaban Coura à Bamako. Les années passant, sa maison devint un véritable refuge pour les nourrissons laissés devant sa porte ou les enfants trouvés dans la rue par les voisins de Fatoumata. L’initiative spontanée devient rapidement une véritable institution et l’ »orphelinat » accueille jusqu’à trente enfants de 0 à 17 ans. Sollicité par une association de sa ville et après un voyage sur place, le Maire de la commune de Fresnes – Jean-Jacques Bridey – décide de créer une structure associative visant à recueillir les fonds nécessaire à la construction d’un nouveau bâtiment. Celui-ci s’implantera loin de la pollution, à la campagne, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Bamako.
D’abord sollicité à titre personnel pour conseiller le maître d’ouvrage sur la programmation de l’équipement, l’envie de concevoir cet orphelinat devint très forte pour Nicolas Deloume et son équipe, persuadé de l’opportunité de réaliser un projet architectural exemplaire.
A cette aventure Africaine se succédera une autre aventure, cette fois entrepreneuriale, puisque c’est avec ce projet que fut rassemblée l’équipe de F8 architecture et que l’agence fut créée en 2011 autour de ses quatre associés : Nicolas Deloume, Olivier Desz et Pierre-Emmanuel Huardel, deux architectes et un ingénieur de moins de trente ans et de Christine Verjus, architecte DPLG et architecte-paysagiste.

Programme

Situé au milieu des champs, sur une parcelle de deux hectares, le Centre Falatow Jigiyaso assure l’hébergement d’enfants de tous âges et des adultes assurant leur encadrement. Le programme comprend également des blocs sanitaires, une infirmerie, des locaux administratifs, une restauration, des espaces de jeux, deux salles de classe et un local informatique.

Conception générale

Inspiré d’une organisation spatiale traditionnelle, l’ensemble de bâtiments s’adapte à l’environnement extrême de cette région sub-sahéliennes selon trois axes.
Le premier est la limitation des apports solaires directs sur les toitures et les façades. Le bâtiment vient alors se parer de sur-toitures présentant de larges débords. Ces sur-toitures ménagent par ailleurs des espaces extérieurs agréables par fortes chaleurs.
Le deuxième axe est un travail sur les caractéristiques des parois des locaux. Des blocs de béton en forme de « H » dont les vides sont comblés par de la terre crue sont ainsi mis en œuvre. Afin de renforcer d’avantage l’inertie déjà excellente de ce procédé composite, les façades les plus exposées sont doublées par un habillage en gabions d’une épaisseur de 50 cm, agissant alors comme un véritable bouclier thermique. Des échanges thermiques entre l’intérieur et l’extérieur se forment donc : la chaleur « stockée » la journée dans les parois est alors libérée la nuit, lorsque les températures se rafraichissent.
Le dernier axe est un travail sur la ventilation naturelle. Celle-ci est favorisée à l’échelle du bâtiment par la formation de percée et l’emploi des sur-toitures tandis que de grilles placées au-dessus des portes permettent la circulation d’air dans les locaux.

Une démarche durable

La réalisation de ce projet à plus de 2 km du village de Dialakoroba et des réseaux imposait l’autosuffisance de celui-ci. L’électricité est ainsi produite par l’intermédiaire de panneaux photovoltaïques tandis que l’eau est pompée dans un forage réalisé à proximité. Ce dispositif est complété par une filière d’assainissement de type extensif qui permet de traiter les eaux usées avant de les rejeter dans le milieu naturel. Il s’agissait en effet d’une volonté forte, dans un pays connaissant de graves difficultés sanitaires liées à la gestion de l’eau, de mettre au point avec l’ingénieur Gérard Violante une filière vertueuse. L’eau ainsi traitée est utilisée pour alimenter un étang consacré à la pisciculture et permettre le maraîchage. Ce dispositif, en plus de garantir la sécurité alimentaire des enfants du Centre, permet aux plus âgés d’entre eux de se former aux métiers de l’agriculture et de la pisciculture.
Finalement la conception générale de cet équipement lui permettra de dépasser sa fonction première d’habitat pour revêtir un rôle prépondérant dans l’éducation et l’épanouissement des enfants et peut-être leur offrir un nouvel avenir.

L’orphelinat est conçu comme un écosystème construit autour du cycle de l’eau. L’eau est tout d’abord pompée dans la nappe à 70 m de profondeur puis stockée dans un château d’eau. Après avoir été utilisée – les besoins du centre étant d’environ 5 m3 par jour – celle-ci est recueillie dans une fosse toutes eaux où une séparation entre les matières solides et liquides s’opère. L’eau, libérée de ses boues, traverse ensuite un massif filtrant pour un traitement biologique aérobique : l’eau percole alors dans plusieurs lits de sables aux granulométries différentes où vivent les bactéries chargées de détruire les agents pathogènes. Le dernier dispositif (traitement tertiaire) est l’étang destiné à accueillir une activité de pisciculture (organisation de pêches régulières). La surverse de l’étang est ensuite utilisée pour le maraîchage, l’arrosage permettant l’organisation de plusieurs récoltes par an.
Au-delà des ressources alimentaires et des perspectives de formations pour les jeunes du centre qu’offrent ce dispositif, cet ouvrage est une réalisation inédite au Mali. Il fut donc l’opportunité d’un transfert de savoir-faire que l’on espère voir être mis en œuvre ailleurs dans le pays.

Déroulement

Depuis la première visite de M. Bridey sur place et l’inauguration de l’orphelinat le 8 décembre 2012, seulement trois ans se sont écoulés : deux ans consacrés au montage de l’opération et à sa conception et un an de chantier, marqué par des arrêts liés à la situation en cours dans le pays.
Ce délai très court pour un projet de solidarité si loin de la France et dans un pays faisant face à de grandes problématiques sécuritaires et démocratiques, fut rendu possible par la mobilisation très intense des différents partenaires. A souligner tout particulièrement l’implication totale dont on fait montre les entrepreneurs, Ismail Diallo et Modibo Tamboura, bien au-delà de leurs obligations contractuelles.

Maîtrise d’ouvrage: Associations Falatow Jigiyaso et SEMAF Bamako
Maîtrise d’ouvrage déléguée: Association Malienne de Solidarité et de Coopération Internationale pour le Développement (AMSCID)

F8 architecture
Gérard Violante (BET eaux | énergies)

EGENEB-TP (entreprise générale)
SEEBA (adduction d’eau | production électrique)