It's called the 'City of Dreams' and yet, some of New York City's most radical, technologically advanced buildings were never realised. Their combined histories expose challenges the famous metropolis must confront as well as fundamental problems lying at the crux of urban design.

Howe and Lescaze, MoMA

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Howe and Lescaze, MoMA

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Pendant l’été 1833, le peintre Thomas Cole fit parvenir à l’un des plus riches marchands de New York, Luman Reed, une brochure détaillant une série de tableaux qu’il souhaitait exposer dans le manoir de ce dernier, au 13 Greenwich Street. Thomas Cole expliqua à son mécène que ces peintures retraceraient « les progrès de l’homme, de la barbarie à la civilisation et au luxe, puis sa rechute dans la ruine et la désolation. » L’artiste s’interrogea un bon moment avant de forger un titre digne de ce nom : The Course of Empire (« la trajectoire de l’Empire »).

Couronnées de succès, ces huiles sur toile ne se résumaient pas à une simple allégorie de l’ascension et de la chute d’une grande nation ou d’une cité-État. D’une certaine manière, Thomas Cole venait de saisir l’essence de New York en alignant délibérément le sort de sa ville adoptive à celui de l’Empire romain.

Ce qui affleure à la surface des tableaux de Thomas Cole, c’est une ville marchande et fourmillante menaçant à tout moment de s’effondrer. Selon lui, le moteur des performances économique de New York l’emporterait systématiquement sur la résistance exercée par le pacte social et culturel. C’est entre ces deux pôles (une croissance effrénée et le besoin de l’encadrer) que se situe la matière de Never Built New York. L’archétype néoclassique si vigoureusement imposé par Thomas Cole préfigure d’une certaine manière des générations d’efforts déployés pour en façonner un nouvel archétype qui saurait saisir l’esprit de la ville et réformerait sa tendance au désordre, à l’agitation et au « délire », pour emprunter une célèbre description de Rem Koolhaas. La volonté de mettre un peu d’ordre dans cette ville a toujours travaillé les esprits.

Rufus Gilbert, Gilbert's Pneumatic Railway (top). Mckim, Mead and White: Grand Central Terminal, 1903 (middle). Paul Rudolph, Lower Manhattan Expressway (bottom)

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Rufus Gilbert, Gilbert's Pneumatic Railway (top). Mckim, Mead and White: Grand Central Terminal, 1903 (middle). Paul Rudolph, Lower Manhattan Expressway (bottom)

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Never Built New York retrace deux siècles de vaines tentatives destinées à conférer cet ordre, cette rationalité, cette efficacité ou cette « beauté » à la ville. La méthode jadis employée à cet effet consistait à glaner des idées à travers l’Europe, à piocher dans l’antique et le contemporain, et à trouver un exemple : le Paris haussmannien et ses grands boulevards, la Toscane et ses tours perchées, l’Athènes de Périclès et son architecture ordonnée. Vous avez besoin d’un musée ? Consultez les planches du Louvre. Vous voulez un monument ? Empruntez-en un aux Égyptiens. Le rigoureux langage du modernisme proposa plus tard une panacée du même type en balayant les débris de l’histoire et les complications de la vie citadine. Les tours résidentielles de Victor Gruen, alignées comme des dominos le long de la Roosevelt Island (qui portait à l’époque le nom de Welfare Island), étaient impressionnantes, futuristes et même légères depuis une certaine distance. En soulevant ses soubassements auraient surgi différents morceaux de temps imaginé : un tapis transportant des wagons de passagers (carveyor) et des trottoirs roulants. Mais y regardant de plus près, on se rend compte que ce projet aurait tout aussi bien pu germer à l’Est, dans le bloc communiste : un monument terrifiant érigé à la gloire d’un ego surdimensionné et de la condescendance urbaine. Aujourd’hui, dans une veine très similaire, d’immenses tours aseptisées (et vraisemblablement bâties en série) aux noms vaguement européens côtoient des vestiges d’un passé moins limpide, de la High Line au centre commercial glorifié qu’est le quartier de SoHo.

The other pole, the desire to break free and to make the city in a different image, has yielded breathtaking, but no more successful, forays: Alfred Ely Beach’s Pneumatic Rail, Gustav Lindenthal’s North River Bridge, John Johansen’s Leapfrog City, Frank Gehry’s Atlantic Yards. What these kinds of proposals have in common is the way in which they work against the grain of the city. They use the layout of New York to fundamentally alter it: They are radical. Beach wanted to bore tunnels through the city’s soils and then propel subway cars along by means of air pressure—the way, some 150 years later, Elon Musk proposed to link San Francisco to Los Angeles. Lindenthal, with a bridge of then-unimaginable engineering prowess, would span the Hudson and tie Manhattan directly to the rest of the country. Johansen, using the simple technology of steel railroad trusses, would double-deck the city and crisscross it, too. Gehry would singlehandedly supplant the center of Brooklyn with his very own, riotous form of unrelenting density.

Harrison, Le Corbusier and Niemeyer: Preliminary Manhattan UN (top). Moshe Safdie, Habitat New York, 1968 (middle). Santiago Calatrava, Cathedral of St John, 1992 (bottom)

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Harrison, Le Corbusier and Niemeyer: Preliminary Manhattan UN (top). Moshe Safdie, Habitat New York, 1968 (middle). Santiago Calatrava, Cathedral of St John, 1992 (bottom)

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En l’examinant de près, le catalogue des projets qui ne virent jamais le jour démontre combien il est difficile pour un designer qui formule une proposition nouvelle et non-orthodoxe de donner corps à son invention. Pour qu’une ville puisse se renouveler perpétuellement et sans cesse renaître de ses cendres, les concepts authentiquement révolutionnaires se font souvent attendre. Dans la psyché la plus profonde de New York sommeille un conservatisme réticent au risque. Si vous pensez que ce n’est pas le cas, il vous suffit de vous pencher sur les propositions initialement soumises pour la construction du Musée d’art moderne, une institution aujourd’hui très restreinte par la frilosité du protocole et de la respectabilité. Si les vertigineuses tours de cubes en porte-à-faux de George Howe et William Lescaze avaient été acceptés, le musée aurait affiché des lignes plus abruptes. Plus tard, les nombreuses tentatives de Rem Koolhaas ont cherché à donner une nouvelle tournure à New York, avec une extension du Whitney Museum penchée sur le bâtiment original telle un envahisseur extraterrestre, ou l’hôtel Astor Place, dont la masse et la surface primitives tranchent avec l’aspect lisse et conventionnel des bâtiments environnants. Et il n’a pas été le seul : bon nombre des plus grands créateurs de la ville n’ont rien construit ou presque, dans ce bastion de la finance débridée et des constructions démesurées.

Le sort des premières idées formulées pour le Musée d’Art moderne nous fournit un autre enseignement essentiel. Quel que soit l’endroit que l’on examine à New York, il aurait pu accueillir quelque chose d’autre. Rien d’étonnant pour une ville dotée d’une longue histoire : les bâtiments sortent de terre pour ensuite s’effondrer et se voir (généralement) remplacer par de plus grands édifices au design et à l’ingénierie plus modernes. Mais là n’est pas l’essentiel. Les bâtiments que l’on connaît ne sont pas nécessairement ceux qui auraient pu être. New York peut donner l’impression que ses structures aux nombreux étages étaient prédestinées à y être construites, mais il en va tout autrement. La plupart des monuments de la ville ont été précédés par d’interminables strates de bâtiments jamais construits qui s’accumulent comme les ruines de Rome.

Frank Gehry, Guggenheim Museum, 2000 (top). SHoP, Flushing Stadium, 2013 (bottom)

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Frank Gehry, Guggenheim Museum, 2000 (top). SHoP, Flushing Stadium, 2013 (bottom)

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En réalité, bon nombre des carrefours new-yorkais sont hantés par des fantômes. Central Park, Columbus Circle, the Battery, Ellis Island, Riverside Park, City Hall, Roosevelt Island, etc. : pensez à un élément de la ville que vous croyez connaître et posez-vous la question : les possibilités foisonnent.

Il existe une autre stratification, bien plus littérale, qui saute aux yeux lorsque l’on parcourt les centaines de propositions qui ne virent jamais le jour à New York. Il s’agit des superpositions d’objets réels, tangibles : des routes sur des routes, des bâtiments sur des bâtiments, des appartements sur des ponts, des gratte-ciels sur des autoroutes, tous dessinés pour surmonter les différents types de problèmes susceptibles de surgir dans une ville aussi dense et exiguë que New York. La solution consistait apparemment à superposer, en dessous et au-dessus du niveau du sol, et partout ailleurs. Ces idées et les planches d’une remarquable beauté qui les dépeignent constituent les projets les plus clairement destinées à remodeler la surface allouée à la ville de New York, de Charles Lamb et ses promenades aériennes à Hugh Ferris et ses interminables trottoirs décorés qui s’élèvent dans les airs (The Metropolis of Tomorrow), en passant par Paul Rudolph et sa voie expresse surplombée par un couloir urbain au sud de Manhattan.

Le problème persiste. L’espace est infiniment précieux et l’histoire de New York, jalonnée de constructions et de déconstructions, gravite en fin de compte autour de la volonté de le démultiplier. Tout ce qui est comprimé ne demande qu’à être délivré. Ce genre de spéculations, souvent suscitées par l’impossibilité de mener à bien de plus petits projets, met toutefois en évidence le problème fondamental du design urbain : comment une ville survit-elle à ses contraintes géographiques et au désordre de sa propre composition ?

Buckminster Fuller, Dome Over Manhattan, 1961

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Buckminster Fuller, Dome Over Manhattan, 1961

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Par Greg Goldin & Sam Lubell
Avant-propos par Daniel Libeskind

Images: Courtesy of ARTBOOK | D.A.P.

Musée du Queens : du 17 septembre 2017 au 18 février 2018
New York City Building
Flushing Meadows Corona Park
Queens, NY

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