Connue pour la légèreté de ses inventions, des expériences ludiques et des objets qui remettent nos perceptions quotidiennes en question, Louise Campbell est d’avis que tout est possible, jusqu’à preuve du contraire. Elle expérimente de nouveaux modes de production sans jamais perdre le cap de l’artisanat. TLmag s’est entretenu avec cette créatrice au sujet de ses derniers projets en date et du poids de son identité anglo-danoise. (Interview par Adrian Madlener)

Cutlery pour Georg Jensen

Au-delà des sensibilités nordique et britannique | Design

Cutlery pour Georg Jensen

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Connue pour la légèreté de ses inventions, des expériences ludiques et des objets qui remettent nos perceptions quotidiennes en question, Louise Campbell est d’avis que tout est possible, jusqu’à preuve du contraire, et que toute décision doit être justifiée. Une telle approche n’empêche pas l’artiste de nourrir un souci holistique du concept, du détail, du matériau, de la réinterprétation des traditions et des procédés de fabrication. Créatrice de meubles, d’installations, d’éclairages et d’objets, elle collabore avec de grandes marques comme Baccarat, Hay, Louis Poulsen, Muuto, Stelton et Zanotta, mais également avec des plateformes telles que le ministère de la Culture du Danemark.

Louise Campbell expérimente de nouveaux modes de production sans jamais perdre le cap de l’artisanat. TLmag s’est entretenu avec cette créatrice au sujet de ses derniers projets en date et du poids de son identité anglo-danoise. (Interview par Adrian Madlener)

Louise Campbell

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Louise Campbell

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TLmag: Lorsque vous faites des recherches en vue de mettre au point de nouveaux matériaux ou procédés de fabrication, votre démarche est toujours transparente. Comment vous y êtes-vous prise pour développer une collection de coutellerie pour Georg Jensen ?

Louise Campbell: Ce que j’aime dans le design de coutellerie, c’est qu’il faut toute dessiner à la main. S’il est vrai que nous avons utilisé un ordinateur et une imprimante 3D pour accélérer le processus, cette tentative s’est soldée par un échec, car elle ne prenait pas en compte la dimension sensuelle des couverts. J’ai donc fabriqué plusieurs centaines de prototypes pour pouvoir tester différentes formes, en pliant et collant vingt à trente fines feuilles entre elles puis en les limant pour obtenir les angles désirés. Au terme de nombreux dimanches passés en compagnie d’un orfèvre de Georg Jensen, ces prototypes ont pu prendre corps et être coulés en argent massif. En appliquant une approche aussi pragmatique à l’intégralité du processus, j’ai laissé mes doigts, ma bouche et mes yeux guider mes décisions.

Das Haus, imm Cologne 2014

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Das Haus, imm Cologne 2014

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TLmag: Avec des projets tels qu’Elements, que vous avez développé pour la manufacture Royal Copenhagen, vous remettez la tradition en question tout en réaffirmant une identité claire. D’où tirez-vous votre inspiration ?

Louise Campbell: Lorsque je travaille avec des clients, deux éléments particuliers constituent le moteur de mon travail, c’est pourquoi je leur accorde une attention particulière : l’histoire de l’entreprise, dont je tiens compte pour orienter mes propositions, et les matériaux avec lesquels celle-ci travaille. En outre, je cherche autant que possible à me rendre sur place, dans la manufacture, pour y rencontrer les experts. C’est en regardant les machines et les matériaux en action que mon esprit se met en marche.

TLmag: Créé pour imm Cologne 2014, Das Haus a fait voler en éclats la frontière entre espace privé et public. Dans quelle mesure cette installation aux vastes proportions introduit-t-elle de nouvelles tendances domestiques ?

Louise Campbell: Dans le domaine du design de produit, il ne me semble pas porteur de suivre les tendances, essentiellement parce qu’elles sont l’antithèse de la longévité, mon cheval de bataille, mais aussi et tout simplement parce qu’elles sont dépourvues de cohérence. Pour accoucher d’un bon design, il faut de la qualité, et la qualité demande du temps. Les tendances vont à l’encontre de la crédibilité et de l’individualité ; elles sont plus utiles en cuisine, car elles permettent de mieux comprendre la valeur des aliments. La vocation de Das Haus était de souligner l’importance de prendre son temps, de réparer plutôt que de remplacer, et de fabriquer à la main, autant que possible.

Louise Campbell développe Cutlery

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Louise Campbell développe Cutlery

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TLmag: Pouvez-vous nous parler du concept sur lequel repose Blah Blah Blah ?

Louise Campbell: Tous les six mois, le Kunstforeningen GL Strand (le musée d’art moderne de Copenhague) invite un artiste à apporter librement sa contribution à sa salle de réunion, qui tient lieu de salle d’exposition lorsqu’elle n’est pas utilisée à la fin pour laquelle elle est prévue. Ma contribution a été inspirée par les interminables réunions auxquelles j’ai participées à l’époque où je présidais le comité de design et d’artisanat de la Fondation danoise pour l’art.

Les salles de conférence sont neutres et ennuyeuses ; elles sont rarement le reflet des enjeux dont elles sont le théâtre. Nous participons tous à des réunions et certains d’entre nous y meurent d’ennui ou de stress ; en outre, beaucoup de mots y sont prononcés, dont la plupart tombent ensuite dans l’oubli. Dans le cadre de Blah Blah Blah, les mots se comportent comme les balles sur un terrain de squash, laissant sans cesse des marques sur les murs. Inscrites sur toutes les surfaces, même sous les tables et à l’intérieur des abat-jours, ces paroles reposent en paix. Je travaille actuellement à l’installation de la première version permanente de ce projet dans l’école Kofoeds, à Copenhague, une organisation indépendante qui se consacre à promouvoir l’autonomie des personnes souffrant de problèmes socio-économiques.

Blah Blah Blah room

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Blah Blah Blah room

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TLmag: Vous considérez-vous Britannique, Danoise ou les deux à la fois ? Comment ces différentes identités influencent-elles votre démarche, votre esthétique et vos choix de forme ?

Louise Campbell: S’il est vrai que mon côté anglais est moins affirmé, mes deux facettes s’expriment toutes deux lorsqu’il s’agit de façonner des formes et de raisonner : la rationalité scandinave et la sentimentalité britannique ont sur moi un ascendant égal.

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